A la lumière des chandelles

Elle n'aurai pas dû se trouver là, en même temps vivante et déjà morte, elle lisait un livre à la simple lumière d'une bougie poser juste à côté d'elle. La flamme dansant rependait d'étranges ombres qui paraissaient toutes plus vivantes les unes que les autres contrairement à elle, immobile, les yeux rivés sur des mots qu'elle ne lisait même pas. Inconsciemment elle feignait la lecture, plongée dans son éternel flot de pensées en pagaille.

* Je suis ici parce qu'il l'a voulu, il a arraché mon âme à la noirceur des ténèbres pour m'enlacer de ses bras glacés. Sans lui je serai devenue une créature du Diable dévorée par son envie de vengeance. Je n'appartiens qu'à lui qui m'a donné un devoir à ses côtés. *

Kana tourna la page qui avait jauni au fil des lunes. La bibliothèque était silencieuse, peut être un peu trop mais ça ne l'a dérangeait pas. Elle était ici seulement pour se reposer. Qui aurait cru que les Messagers de la mort prenaient des vacances ? même si le mot vacances était bien vulgaire. La jeune femme devait simplement surveiller que ses subordonnées ne fasse pas de bêtise, elle devait aussi de temps à autres transmettre des lettres au simple mortels et puis il y avait ces lettres qu'elle seule pouvait transmettre.... ces lettres destinées à une créature non humaine.

Une nouvelle fois, Kana tourna la page qu'elle n'avait pas lu, elle resta assise sur sa chaise, son sceptre posé sur la table devant elle et sa sacoche reposant à ses pieds. La nuit faisait que commencer.

Le jour venait de laisser place à la nuit souveraine. La lumière venait de perdre son combat contre les Ténèbres Ombrageux recouvrants le ciel d’un voile bleuté à la limite du noir le plus profond. Seul, L’astre Lunaire aussi divin que beau se dressé au centre de cet océan parsemé de lucioles nommées étoiles, ses filles.
Sa lumière bénie illuminée avec charme les pauvres créatures endormies peuplant cette Terre Terne, transformant les rêves en cauchemars, les objets les plus inoffensifs en monstres atroces et l’homme le plus brave en frêle enfant de cinq ans.

Dans la ville sombre, une lumière resplendie tel un miracle en temps de guerre. Une lueur attirante, sauvageonne, qui emprisonne les papillons de nuit pour mieux les tuer suite à sa chaleur. Est-ce que, Guren, était l’un de ces papillons ce soir là ? Qui sait…La raison de sa venue à la bibliothèque n’était que Mystère et suppositions. La faim, sans doute. Une faim insatiable, aussi profonde que l’océan arctique qui le pousse inéluctablement dans les méandres des enfers.

Dissimulé dans les ombres animées et hargneuses de la pièce grise, il observe une jeune fille lire un livre de pensées apparemment confuses et silencieuses. A quoi pouvait bien penser cette jeune personne, feintant de lire son bouquin pour mieux réfléchir ? Nul ne sait à part elle-même. Néanmoins, ce n’est pas cela qui interpelle notre jeune homme caché mais une sensation fortement connue et appréciable : Une sensation de Ténèbres, de Peur et d’incompréhension encré dans le cœur de la demoiselle.
Rien que cela suffit pour mettre notre Ombre en appétit. Cette peur semble avoir si bon goût…Que la décision d’un futur repas ne se laisse point attendre.

"Gomen…"

S’excusant comme son habitude, la masse instable s’épaissie et prend une forme allongée. Le sombre laisse place à un énorme corps couvert de poils corbeaux. La brume prend la forme de dents acérées couverte de bave aqueuse et répugnante et au centre de cet être se dressent bientôt deux immenses yeux sanguins aux pupilles verticales. Quelle est donc cette nouvelle créature à l’aspect aussi terrifiant que félin ? Un Nekomata ?

La brume envahie doucement la bibliothèque, recouvrant les livres de sa douceur funeste, et emprisonne la jeune fille encore inconsciente du danger dans une sorte de prison grise légère mais persistante. Calmement, l’appendice caudal divisé du Nekomata vient frotter timidement la joue droite de la demoiselle, murmurant des paroles dans un souffle.

"Tu as peur…Des marques…Un couteau…Un homme…Du sang…Il te coupe, t’entaille le dos…Tu souffres…Tu as peur…Tu cris…Cris…Personne ne t’entend. Personne ne veut t’entendre. Tu cris, mais les passants se fichent de toi.
Ton sang coule…Il te saigne, cet homme…éprouve de la peur. Éprouve cette peur…Cris !! Et donnes-moi ce sentiment…"

Kana ne le sentit pas arriver, perdu dans un lointain passé elle n'avait pas senti la brume s'épaissir. Quand il lui frôla la joue, la jeune fille frémit, sa peau douce et blanche surprise de ce contact soudain. Il lui murmura des mots qui ravivaient ses vieilles blessures en y versant de l'huile chaude. Elle tourna doucement la tête, posant son livre sur le table ses yeux dorés fixant les deux pupilles injectés de sang de la bête noir devant elle.

* Tu la veux ? tu la désire tellement ? Si c'est ce que tu veux... prend-là, même si tu ne peux pas la faire disparaître, prend-là quand même, parce que tu le dois, parce que c'est dans l'ordre des choses et aussi parce que au fond... je n'ai rien à craindre de toi ni de cette peur. *

Doucement, Kana ferma les yeux pour voir à travers ses paupières, ces si désagréables souvenirs qu'elle aurait préféré ne jamais emmener. Elle, couchée sur le ventre, l'homme a rabattu son kimono jusqu'à ses reins, laissant son dos à la lumière des flammes. Artiste, il commença à écrire, la lame s'enfonçait comme dans du tofu dans sa chair, le sang perlait, brouillant les traits délicats de ce kanji maudit. L'homme hurla sa rage, il saisit de l'eau chaude et la versa sur les plaies, maudissant ce sang qui l'empêchait d'écrire correctement. Elle... elle serre les dents et se tait jusqu'à ce que ce soit impossible à supporter.

Et avant de s'en rendre compte, Kana-san venait de hurler à gorge déployer, son cri résonnait encore dans la bibliothèque comme une réminiscence de cet instant douloureux. Légèrement essoufflée, elle se laissa adosser contre sa chaise, son képi tombant au sol pour dévoiler sa frange collante à cause de la sueur. Kana regarda la bête qui s'était repu de sa peur, elle l'a regarda sa rancune ni tristesse. Elle lui donnait un visage à l'expression vide et pourtant directe.

" Maintenant...va-t-en... "

La messagère releva une de ses mains pour empoigner sa veste fébrilement au dessus de sa poitrine, serrant le tissus entre ses doigts.

Dans un cri puissant dû à un fort sentiment de Peur et de Haine, le félin ouvrit la gueule, dévoilant une rangée de dents acérées dont la taille dépassée aisément celle de sa victime, et aspira la brume de sentiment s’échappant de cette dernière tel un amas de poussière aspiré par un aspirateur vivant. Cette tache dura bien cinq bonnes minutes, épuisant la demoiselle qui s’affala sur sa chaise.

Repu, la masse noire régressa peu à peu, reprenant une forme fantomatique avant de changer son corps fluide en celui d’un homme à la peau grisâtre. Du haut de ses deux mètres, L’Ombre orienta ses iris sauvages vers la gauche et jeta un regard en coin à la demoiselle avant de s’essuyer partiellement le recoin des lèvres.

"Merci pour ce repas."

Ne cessant de regarder son vis-à-vis sans pour autant avoir une quelconque émotion dans le regard, il garda sa main droite au niveau de sa bouche un moment, pensif. Cette peur…Elle était différente de celles qu’il avait déjà engloutit. Un parfum salé, amer, sans grande consistance, dégouliné le long de sa gorge tel des flammes. C’était une sensation toute nouvelle pour ce jeune homme qui resté néanmoins stoïque.

" Maintenant...va-t-en... "

L’ombre croisa le regard de la jeune fille et la fixa quelques secondes tout en abaissant son bras. L’espace d’un instant, son corps sembla disparaître face à la lumière divine de la bougie postée à seulement trois pas de lui, sur une table de bois fin. Décalant ses iris dorées sur la flamme dansant avec le vent s’infiltrant timidement à travers la pièce, il observa cette dernière un moment, Taciturne, avant de reporter son regard sur la fillette assise et apparemment a bout de souffle. Calmement, il tourna le dos à son vis-à-vis et effaça son être, le mêlant aux Ténèbres obscurcissant la bibliothèque si inhabituellement animée, puis réapparut un peut plus loin, installé sur le rebord d’une fenêtre s’étant ouverte à la volée. De là, il plongea son regard d’or dans le bleu obscur du ciel et observa sagement l’astre lunaire présent devant ses yeux.

Shi-chan resta immobile bien dix minutes, c'était la première fois qu'on se nourrissait de sa peur, jamais elle n'avait laissé une ombre s'approcher d'elle et encore moins lui parler. D'ailleurs les ombres ne s'approchaient que très rarement d'elle, bien que le parfum de sa peur soit des plus enivrants, l'aura que dégage sa condition repoussait les créatures des ténèbres. Dès qu'elle eut fini de reprendre son souffle, Kana se redressa correctement sur sa chaise. Fébrilement elle déboutonna le haut de veste pour être un plus à l'aise. Elle ne tourna pas la tête, elle savait qu'il était toujours là, assis sur le rebord de la fenêtre, la messagère n'avait pas besoin de le regarder pour le savoir. La présence qu'il dégageait lui picotait la nuque doucement, ce n'était pas désagréable ni agréable, c'était juste là.

" Pourquoi tu ne pars pas... ? "

Enfin, Kana daigna à se tourner pour regarder dans la direction de l'ombre, elle n'avait fait qu'un léger mouvement de la tête, appuyant sa joue contre le dossier de la chaise. La demoiselle put remarquer qu'il avait prit une forme un peu plus humaine, son visage était beau, ses cheveux mi-longs étaient fin, il n'avait pas réellement d'expression et en ça il lui ressemblait. Oui, la même chevelure blanche, le même visage stoïque, sauf que Kana n'était pas à moitié floue et qu'elle avait une consistance réelle. Mais qu'en savait-elle ? elle n'avait jamais touché d'ombre, elle avait beau exister déjà depuis longtemps, qu'avait-elle fait de plus à part livrer ces lettres ?

Des lettres, encore et encore...des bouts de papier transportant des sentiments, des émotions... tant de regret, tant d'amour et parfois tant de haine. Shi-chan se leva, elle fit quelques pas en avant pour se poster juste à côté de l'ombre, ses yeux dorés scrutèrent la lune maternelle sans un mot.

Assis sur le rebord de cette fenêtre grise, l’ombre ne cessait de fixer la lune, comme attirée par la douce lumière funeste qu’elle dégageait en même temps qu’une fine odeur de tisane, et qui venait se perdre dans l’or de ses yeux. Il était si beau…Cet astre de nuit. Si clair mais si sombre à la fois. Tellement proche mais en même temps tellement loin…
Tendant la main vers le cercle d’argent, il caressa les effluves divins passants entre ses doigts fins et admira les morceaux de lune, simples petites paillettes argentées, se mouvoir autour de lui. Perdu dans le flot sans fin de ses pensées, il fut néanmoins retiré de cet état par une voix douce et féminine.

" Pourquoi tu ne pars pas... ? "

Neutre, le désigné ne bougea pas d’un pouce, déclinant seulement le regard pour le porter sur son vis-à-vis. Ainsi donc, son interlocutrice et victime ne s’enfuyait pas ? C’était bien la première fois qu’il ne se retrouvé pas seul après son repas. Habituellement, les personnes vidées partiellement et momentanément de leur peur fuyaient aussitôt leur souffle reprit. Quelques fois, elle ne se remettaient pas ou bien encore embrassées le doux baiser de la mort à cause d’un choc trop fort pour leur pauvre petit être.
Taciturne, Guren ne tarda pas à abaisser son bras et se remis à regarder l’astre souverain, silencieux. Peut de temps passa alors. Deux minutes, peut être trois…et le questionné prit la parole d’un ton effacé, solennellement.

"La lune brille d’un éclat lacté ce soir..."

Aucun rapport ? Pour vous, peut être ; mais notre ombre est une personne différente. Pour lui, cette phrase trouve tout son sens.
Balayés par le vent, les mèches argent du jeune homme partirent soudainement en arrière à cause d’une rafale puissante, dévoilant un regard solaire et stoïque qui ne tressaillit que partiellement lors d'un clignement de paupières. Le vent calmé, les cheveux de neige du jeune homme re-couronnèrent de nouveau son visage alors qu’il reprenait une nouvelle fois la parole.

"Vous n’êtes pas humaine…je me trompe ? Vôtre Peur est différente…"

Effectivement, cette peur était différente pour cause qu’elle n’appartenait nullement à un humain. S’attaquant généralement à la race humaine, l’ombre n’avait malheureusement pas fait attention au statut de son vis-à-vis et en avait effectivement payé le prix. Son estomac non habitué faisait des siennes, infligeant une forte douleur à son possesseur qui n’en resté pas moins Taciturne.

" Tu contournes la question. "

Kana s'assit à sa son tour sur le rebord de la fenêtre, regardant la lune qui semblait sourire. L'astre maternelle les baignait désormais tout les dents de sa lumière laiteuse, comme une mère aimante, elle les enlaçait de ses draps blancs et soyeux. C'était une sensation des plus agréables, la messagère était des plus détendues maintenant. Tournant la tête vers l'ombre, elle l'observa de nouveau avec attention. Il avait les traits fins et un visage très séduisant. Ses yeux étaient dorés comme les siens ce qui changeaient de ceux injectés de sang qu'elle avait vu auparavant. Sa peau grisâtre scintillait d'argent sous la lumière de Phébée ce qui le rendait presque ... lumineux ! ironique pour une ombre non ? Ses cheveux de neiges semblaient de plus en plus blanc, la brise ne faisait qu'accentuer la mise en scène, relevant ses mèches et dégageant son visage attirant. Homme ou femme, quiconque aurait été attiré par cette beauté saisissante.

Shi-chan, avant d'être messagère, était une femme, ce qui ne la laissait pas totalement indifférente au charme de cette ombre. Cependant sa non condition lui donnait résistance, elle voyait plus clair que les humains. La beauté de cette ombre est la toile de l'araignée, s'y prendre veut dire être dévorer.

" Pourquoi reste-tu là ? "

Sa remarque sur son appartenance l'amusa quelques peu. N'avait-il pas remarqué cela avant de l'attaquer ? qui sait ? la nostalgie avait peut être perturbé son aura, la rendait soudainement un peu plus ... humaine. Quel erreur de sa part. La non humanité de sa peur avait dû avoir un effet sur lui, lequel ? Kana n'en savait rien. C'était bien la première fois qu'on se nourrissait d'elle, cet ombre devrait alors se sentir privilégié en quelques sortes, même si ce privilège lui portait désagrément.
La jeune femme reporta de nouveau son regard sur la lune dont la lumière avait le même effet sur elle que sur l'ombre. Son visage neutre ne laissait rien transparaître.

" Pourquoi, ne peux-tu pas t'en aller ? "

" Pourquoi reste-tu là ? "

Encore cette même question qui revenait sans cesse. Pourquoi restait-il assis ici, dans le noir, baigné dans les effluves de lune ? Il ne le savait pas vraiment lui-même…
Il aimait simplement plonger ses yeux sauvages dans cet océan d’argent…Et cette fenêtre était un lieu idéal pour l’admirer. Qu’y avait-il de mal à ça ? Il a toujours été seul…Toujours…La lune étant son seul réconfort.
Il lui semblait être pareil…Morne, vide…Sans vie.
« Suis-je vivant ?...Pourquoi personne ne fait attention à moi ? Pourquoi personne ne me remarque ? Je suis là, j’existe…Mais pourquoi ai-je le sentiment de ne pas exister dans ce monde ?... »

" Pourquoi, ne peux-tu pas t'en aller ? "

Pourquoi…Pourquoi…S’en aller…Si seulement c’était aussi simple. Oui. Il voudrait s’en aller. Non pas dans la maison voisine ou encore à l’autre bout du monde…Non…Il voudrait s’en aller…Disparaître. Ne pas Exister…Ne pas avoir de conscience, ne pas avoir de corps, ne pas avoir d’âme…
« Dis…Si tu pouvais exaucer mon souhait…Effacerais-tu mon Existence ? Si tu le peux…Fais-le…Onegai. »
Son regard toujours encré sur le cercle laiteux illuminant le ciel, Guren eut un léger sourire qui ne dura qu’une micro seconde. Baissant les yeux, il regarda la route puis ferma les paupières un instant, avant de répondre.

Qui sait…

Il rouvrit les yeux, scrutant chaque parcelle de goudron s’étalant devant lui. Chaque imperfection…Chaque insecte courant sur cette surface plane mais rêche. Puis, au loin, le cadavre d’un chat. Où était son âme à présent ? Errait-elle sur cette triste Terre ? S’était-elle envolée vers les étoiles ?...Est-ce que, comme les humains, il pouvait dire un dernier adieu à ses proches avec une lettre ?...Humf…C’est Stupide. Si Stupide…Personne ne fait attention aux animaux. Pourquoi leur donner une lettre ? Pourquoi leur offrir l’opportunité de dire un dernier au revoir ?...
« Je suis peut être un animal dans ce cas…Un simple animal dont l’existence est reniée par le Monde. Y’a-t-il une lettre pour moi ?...Non…à quoi servirait-elle… »
Le regard morne, sans vie, notre jeune homme prit une nouvelle fois la parole, Neutre :

Que veut dire « aimer »…Que veut dire « amitié », « joie », « bonheur », « peine »…Que signifie mon existence ?...Suis-je vivant ?...

Il venait de poser cette question. Une question existentielle qu’il n’avait jamais eut l’occasion de poser a part peut être une fois…à qui déjà ?
Même s’il se doutait de la réponse de la demoiselle, il tenterait, encore et encore jusqu’à trouver enfin la raison de son existence…

L'ombre donna place à une question des plus existentielles on doit l'avouer, lancée d'une voix neutre et presque monotone. Que répondre à cela ? Kana resta muette un long moment, se reposant la question encore et encore jusqu'à trouver la réponse de son cru qui lui parut la meilleure.

" Vivant ou pas, tu existes parce que je te vois, parce que tu as conscience de toi même, parce que tu te poses des questions. L'amour c'est un sentiment fort, douloureux et agréable à la fois. L'amitié c'est une sorte de fidélité, la joie c'est quand on a le cœur qui se soulève et que l'on se sent léger. "

Elle se tut de nouveau, regardant la lune de ses yeux d'or au prunelles finement dilatées. Au fond, elle comprenait un peu cette ombre. Kana avait perdu beaucoup en devenant ce messagère, elle avait perdu une partie de ses émotions, elle avait perdu ses sentiments, elle avait perdu ces notions d'amour et d'amitié. La théorie, toujours la théorie, et jamais la pratique. Un but, un sens à son existence, c'est bien la seule chose qu'elle avait. La demoiselle baissa les yeux, fixant le sol du haut de la fenêtre du troisième étages.

" Nous existons... parce qu'on nous a permis d'exister... dans un but précis. Il y a cette mission que nous devons accomplir, chaque jours, chaque mois, chaque année. Toi, tu dois dévorer les peurs des gens, et moi, je dois leur transmettre des mots imprimés de sentiment. C'est ce travail qui nous détruit et pourtant... c'est aussi lui qui nous recrée à l'infini. "

Kana se releva et retourna près de la table ou son sceptre reposait tranquillement. Bien ou mal, ils devaient accomplir leur devoir, parce qu'ils n'avaient nuls autres chemins à suivre dans la vie qui leur avait été donnée. Ils étaient là, matériel pour l'une et brumeuse pour l'autre, par leur existence ils faisaient partis du monde, et par leur nature ils en étaient également très éloignés.

* Personne ne pleurera pour nous et même si nous pouvons parler, nos cris résonneront dans le néant sans aucune oreille pour écouter. *